Nourrie dans le terreau d'une famille riche d'engagement social(1)
et à l'ombre des audacieuses percées de ses ainées Madeleine et
Suzanne(2), nul étonnement qu'Yvonne, au tournant décisif de sa
vie, se retrouve, avec un brio et une fermeté reconnus, dans ce
pas initiateur de nouvelles débouchées pour les femmes et qui la
consacrera première Haïtienne médecin. Toute à des préoccupations
de jeune fille du monde, échos de ces jeux dramatiques très goûtés
auxquels, pour le plaisir de parents et amis, elle ne laissait,
très jeune de se livrer en compagnie de sa soeur Jeanne(3), c'est
pourtant à l'Art, qu'au sortir du brevet, elle s'accroche et s'adonne.
Elève du sculpteur Normil Charles, elle touche à la peinture, à
la critique d'art, au théatre et même à l'animation radiophonique
: "Une action tout aussi louable était menée par la station radiophonique
HH2S où presque chaque soir, des artistes tels, Yvonne Sylvain,
Odette Martineau, Jacqueline Wiener Silvera, Lina Mathon, Marcel
Sylvain, Marcel Camille "emportaient sur l'aile des ondes la pensée
haïtienne, l'art haïtien" (4). Préoccupations appelées cependant
à ne représenter qu'un appoint dans sa vie puisqu'un retour sur
elle-même la verra, à 28 ans, échapper de peu au voile pour considérer
comme un appel vers la science médicale cette impuissance durement
ressentie face à la mort de sa mère. En 1940, au terme de cinq ans
de brillantes études où elle semble n'avoir consenti que rarement
à céder son titre de lauréate, elle obtient du Bureau sanitaire
interaméricain une bourse de perfectionnement dans des universités
américaines, l'habilitant à professer, faut-il s'en étonner, en
qualité de gynécologue-obstétricienne(5). De retour en Haïti (1945),
sa nomination comme médecin des hôpitaux et, plus tard, professeur
à la Faculté de Médecine, la publication de nombreux articles et
communications scientifiques dans des revues médicales ne seront
d'aucune entrave à une pratique marquée de clinicienne spécialisée
dans le traitement de l'infertilité, loin d'être inapercue. Dans
l'insertion du docteur Sylvain en Haïti, l'inquiétante vague duvaliérienne
fera pourtant un long crochet de 13 ans (1960 - 1973) pendant lesquels
en tant que déléguée en Santé Publique, plus spécialement en santé
génésique, de l'OMS, elle professera dans divers pays d'Afrique,
puis, pour son propre compte, en tant que clinicienne à Costa Rica
et à Dakar. A son actif on retient également une intense participation
à la fondation de la Ligue haïtienne contre le cancer, l'introduction
en Haïti du test "Papa Nicolaou" de dépistage du cancer de l'utérus,
et les bases de fondation de l'Hôpital de la communauté haïtienne
de Frères dont elle restera, jusqu'à sa mort une vice-présidente
active et éminente.
* Tiré de notre entrevue avec Myriam Sylvain Torchon.
(1) Yvonne Sylvain est fille de Eugénie Mallebranche
et de Georges Sylvain. (2) Voir portraits Madeleine Sylvain-Bouchereau
et Suzanne Comhaire-Sylvain (3) Corvington, op.cit,tome 7, p294
(5) Elle aura l'intéressante opportunité de suivre un stage à l'Hôpital
Martha Haig, hôpital spécialisé en obstétrique et en gynécologie. |